Vera (Puerto Rey) - Almeria - Andalousie

EnglishFrenchItalianPortugueseSpanish

1. Écrire c’est vivre deux fois! (Albert Camus)

L’idée m'est venue pendant un confinement imposé par les autorités sanitaires espagnoles un mois de février en raison d’un virus qui n’a cessé de se répandre mondialement depuis la ville de Wuhan, en Chine.

J'avais cru possible dès le mois décembre précédent que ce virus pouvait s’étendre à l’échelle planétaire à la lumière des informations  glanées sur Internet. J'avais même avisé dès ce moment mon associé Jean-Marc du danger qui s’annonçait et des problèmes qui surgiraient pour notre petite agence immobilière si jamais la menace se concrétisait. J'étais persuadé que si la menace progressait les effets seraient catastrophique pour l’économie, non seulement en Espagne mais à l’échelle planétaire. 

J'ai bien cherché comment partager mes émotions et mes idées mais personne ne semblait s’intéresser à la situation. C’est là que je me suis dit que la seule personne qui pourrait possiblement m’écouter et même me répondre si elle le jugeait bon était ma mère décédée il  y a quatre ans.

Je me suis dit "Pourquoi pas?

  • Bonjour maman!  Comment ça va aujourd’hui?
  • Il y a tellement longtemps qu’on s’est parlé toi et moi que j’ai oublié le mois et l’année. Mais oui tu t’en souviens toi comme toujours.
  • Mais comment? Lui dit la maman. Tu as oublié? C’est bien toi ça.
  • Oui, oui je sais maintenant. C’était le jour de ton grand départ mais la date ne me revient pas. Ça doit bien faire quatre, cinq ou six ans. Bof! Finalement c’est sans importance maintenant qu’on est là tous les deux même si la distance qui nous sépare est plus grande que jamais.

Je savais bien que je ne pourrais jamais entendre de vive voix ses réponses et ses commentaires mais j'étais convaincu que je parviendrais assez facilement à les deviner.

  • Oui tu auras sûrement envie de me répondre. Je sais que ce n’est pas évident mais ça ne m’inquiète pas trop. Tu sais bien maman que je parviendrai toujours à deviner ce que tu me diras comme j’ai toujours réussi à le faire depuis ma tendre enfance.

Et puis un long silence est venu. J'ai été plusieurs jours sans écrire une seule ligne. Les effets du confinement probablement qui tue sans qu’on ne s’en rende trop compte toutes les idées qui se bousculaient jusqu’à ce moment dans nos têtes. Plusieurs jours après ce confinement j'ai compris que je n'étais pas le seul à vivre un tel phénomène. Les commentaires de plusieurs compositeurs, écrivains et journalistes glanés ici m'ont rassuré.

« Un blackout total! »

Après ce silence trop long je me suis finalement décidé. Ça s’est passé en soirée, au mois d’août, alors que je regardait la mer depuis la terrasse de mon appartement avec la lune qui montait dans la nuit de Carboneras.

  • Maman, je dois t’avouer que  depuis ton départ j’ai tenté à maintes reprises d’écrire, de raconter mais je n’y suis toujours pas arrivé.

Finalement j'avais tout compris. Pour y arriver il me fallait écrire à une personne qui saurait me lire. Avec les reflets de la lune sur la mer je me suis même surpris à lui dire :

  •  Sans ta mémoire, sans ton regard lucide sur  la vie qui vit au fond de ma mémoire je ne trouvais pas les mots et, pire encore, je n’arrivais pas à mettre mes idées en place ou en ordre comme tu le disais si bien.
  • Tu as toujours été une personne ordonnée alors que  moi je suis l’incarnation du désordre. Disons tout de même que je me suis amélioré avec le temps même si tu ne crois pas que ce soit possible. 

En fait, je ne sais pas trop ce qui sortira de tout ça. Je n'ai jamais voulu faire dans le style biographique mais de quoi peut-on s’inspirer si ce n’est de notre vie, de nos préoccupations et surtout de nos passions.

J'ai bien eu plusieurs idées au cours des dernières années dont l’une qui m’a longtemps harcelé avec un titre évocateur : « L’histoire d’un père orphelin! ». Mais seulement évoquer ce titre que j'ai dans la tête depuis quelques décennies me ramène inexorablement à mon histoire de père déchu et oublié. Je sais que si j'aborde cette histoire la souffrance se fera persistante. Je sais que jamais je ne pourrai y échapper.

Vivre avec mes racines...

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j'ai retenu cette merveilleuse phrase d’Albert Camus qu’on retrouve d’entrée de jeu au moment de me lancer définitivement dans l’opération. J'ai eu d’autres idées mais sans jamais trouver la forme voulue pour transformer ça en mots, phrases et paragraphes.

Finalement poursuivre mes conversations avec ma mère m'a semblé la meilleure idée même si je ne sais trop où tout ça me conduira. Il me faudra mettre de l’ordre dans mes idées et surtout trouver un agencement pour que tout ça se tienne et ait un peu de cohérence.

Néanmoins, l’idée de reprendre ces conversations avec ma mère comme public m'inspire confiance. Nous l'avons fait si souvent via le réseau Internet depuis mon départ du Québec il y a plus de vingt ans. Il m'arrive d’ailleurs de me demander si j'aurais pu survivre à l’éloignement de ma proche famille et des amis sans cet outil universel, simple et convivial.

(Suite...)